Le dernier ouvrage de Zadie Smith, Grand Union, est un recueil de nouvelles publié par les éditions Gallimard. Intelligent, il relate la vie dans toute sa complexité et interroge les questions d’identité, de race et de sexe.
Fille d’un père anglais et d’une mère jamaïcaine, Zadie Smith est l’auteure de Sourire de Loup, roman sur la vie de deux amis, un Anglais et un Bangladais, étalée sur trois décennies dans la ville de Willesden au nord-ouest de Londres, qui fit l’objet d’une adaptation à la télévision. Aujourd’hui, elle enseigne l’écriture de fiction à New York, où elle situe quelques-unes des nouvelles de ce recueil.
Un regard moderne et réaliste
Zadie Smith porte un regard de femme métisse moderne sur notre époque. Ses thèmes de prédilection sont le multiculturalisme, les inégalités de genre comme de classe sociale, la famille, l’exil. Dans Grand Union, elle s’essaye à plusieurs genres littéraires, de l’autofiction à la dystopie en passant par le surréalisme.

Avec humour, elle fait le récit de touristes britanniques en vacances en Espagne dont la seule occupation consiste à se laisser flotter sur des bouées portées par le courant d’une piscine artificielle.
Avec tendresse, elle raconte une femme qui se rend dans un restaurant asiatique de quartier qui propose une recette de poulet à la jamaïcaine, pour convoquer le passé, sa mère morte et ses ancêtres jamaïcains.
Avec subtilité, elle montre qu’il est possible d’aider un enfant bègue à dépasser son handicap pour peu qu’on adapte le texte qu’il doit prononcer.
Dans une nouvelle savoureuse sur des exercices d’écriture, elle déconstruit les stéréotypes de genre.
Une histoire d’atmosphère
Zadie Smith plante le décor et ses personnages, les histoires suivent. Et il faut accepter de se laisser porter par elles, se laisser imprégner de l’atmosphère plutôt que de rechercher une narration efficace ou ciselée.
« L’éducation sentimentale » est assurément la meilleure nouvelle de ce recueil. Une femme en pleine ménopause se souvient de ses années étudiantes et de son petit ami de l’époque, Darryl. Ils avaient été présentés car « à eux deux, ils constituaient la moitié de la communauté noire du campus » et incarnaient l’expérience sociale des admissions sur quotas. Sauf que Darryl, manquant d’assurance, éprouvait le besoin d’être soutenu par un ami, Léon, pour faire face aux étudiants qu’il considérait comme privilégiés. Léon était sympathique, très sociable, charmait son monde, quel qu’il soit, avec une facilité déconcertante. Une sorte de relation à trois s’établit…
Une qualité inégale
Les dix-neuf nouvelles de ce recueil ne se valent pas. Si certaines sont excellentes, d’autres traînent en longueur et manquent de fluidité. Zadie Smith varie les genres, multiplie les thèmes. Et même si le recueil de nouvelles permet cette foison, un peu plus de cohérence n’aurait pas nuit à l’ensemble. Sa plume agréable rend le récit vivant. Une énergie se dégage de la plupart des nouvelles qui rend plaisante la lecture de Grand Union.
Grand Union
Zadie Smith
Laetitia Devaux (traduction)
Éditions Gallimard, 2021, 288 pages