Fermées pendant le premier confinement, les librairies ont été classées « commerce essentiel » le 26 février dernier par décret. Une aubaine pour ce commerce fragile (re)-découvert et plébiscité par les lecteurs.
La crise sanitaire aurait pu être fatale aux librairies indépendantes. Alors qu’elles étaient fermées au printemps 2020, en plein confinement, les ventes de livres se sont faites sur des plateformes comme Amazon. Le « click & collect » a certes permis des ventes mais souvent au profit de livres déjà très médiatisés. C’est à partir du moment où les librairies ont été considérées comme un commerce essentiel et qu’elles sont restées ouvertes que les ventes se sont envolées. La campagne de presse en leur faveur a certainement influencé les lecteurs qui ont de nouveau franchi les portes de ce petit commerce. Et surtout, l’accès aux tables et aux étagères sur lesquelles les libraires affichent leurs coups de cœur a permis de valoriser des ouvrages et des auteurs moins connus.
Le succès du « click & collect »
Tout cela a demandé aux libraires une grande réactivité. Et c’est là un effet de cette crise : l’organisation du travail a été profondément modifiée dans les librairies. Le « click & collect » a permis de vendre mais il suppose que chaque libraire dispose d’un site de vente en ligne, ce qui est rarement le cas des petits commerces. En Nouvelle-Aquitaine, le portail de géolocalisation de livres développé par l’association des Librairies Indépendantes en Nouvelle-Aquitaine a fonctionné à plein régime. Avec trois fois plus de clients en 2020 qu’en 2019 et une quinzaine de nouvelles librairies adhérentes, son activité a connu une croissance inédite.
Véritable soutien aux librairies, le « click & collect » permet aux lecteurs de commander un livre et d’aller le chercher dans la librairie la plus proche de chez eux. Au total, quatre-vingt-quatorze librairies indépendantes de Nouvelle-Aquitaine sont connectées à ce portail qui référence 1,7 millions de livres. Une fonctionnalité permettant aux libraires de présenter leurs coups de cœur a été ajoutée afin de donner de la visibilité à de bons livres moins médiatisés.
Le succès du portail est une « bonne surprise » pour Cécile Bory, présidente de l’association des Librairies Indépendantes de Nouvelle-Aquitaine, parce qu’il permet d’attirer des lecteurs dans les librairies indépendantes. Mais l’allongement des délais d’approvisionnement dû au ralentissement général de l’économie a pu créer quelques incompréhensions. Les libraires ont en effet régulièrement constaté que les lecteurs passaient commande la nuit et se tenaient devant la zone de livraison de leur librairie dès l’ouverture le lendemain matin. « Il a fallu expliquer que les librairies indépendantes n’avaient pas de hangars avec des robots, mais qu’il y avait un circuit d’approvisionnement avec des délais. En temps normal, les librairies sont livrées tous les jours ou en 48h par les distributeurs mais avec les confinements, les délais de livraison ont été un peu plus longs », explique Cécile Bory.
Ajustement nécessaire pour ces clients qui ont (re)-découvert leurs librairies et semblent pour le moment leur rester fidèles.
Beaucoup plus de jeunes en librairie
Plusieurs dispositifs publics incitent les jeunes à se déplacer dans les librairies, contribuant ainsi au renouvellement du fonds et à la modification des espaces qui font de plus en plus la part belle à la littérature jeunesse. Le e-coupon de la Région Nouvelle-Aquitaine offre, en plus de bons d’achat pour des livres scolaires, 20 € pour des livres de loisirs. Le Pass Culture avec ses 300 €, récemment instauré, fait quant à lui décoller les ventes de mangas !
L’association Librairies Indépendantes en Nouvelle-Aquitaine, avec son dispositif « Jeunes en librairie », repris au niveau national en février dernier, va plus loin en accueillant en librairie des classes d’élèves plutôt éloignés du livre pour leur en expliquer le fonctionnement et les sensibiliser au rôle de ce maillon de la chaîne du livre. Avec à la clé un bon d’achat de 30 € par élève. « C’est un moment rare de recevoir une classe avec des jeunes qui ont eu parfois des vies très mouvementées, explique Cécile Bory. On peut expliquer qu’un livre n’est pas qu’un manuel scolaire et qu’une librairie est un lieu d’échange, d’ouverture, de détente, de découverte. Qu’un livre est un moyen de s’armer dans la vie pour avoir des idées, pour pouvoir débattre. J’explique aussi [aux jeunes, ndlr] que consommer dans une librairie indépendante n’a pas la même portée que consommer sur Amazon qui est un concurrent déloyal qui ne paie pas ses impôt en France et crée de l’emploi précaire. »
Le programme de l’été 2021
Stimulées par la hausse de leur chiffre d’affaire, certaines librairies embauchent. Le succès est d’autant plus doux qu’il est inattendu. « Les libraires sont épuisés mais heureux », confie Cécile Bory. Le livre, parce qu’il reste l’un des biens culturels les moins chers, parce que la période a incité au repli sur soi et parce qu’il est accessible à toute la famille, a été plébiscité.
Alors, les libraires de Nouvelle-Aquitaine préparent l’été. Du 3 au 19 juin, ils mettront en valeur les éditeurs néo-aquitains, souvent oubliés lors du premier confinement, à travers l’animation « Pépites en stock ». Et bien sûr, comme chaque année, le catalogue « Plein soleil » qui recense les indispensables et les coups de cœur à emporter en vacances sera disponible en ligne et dans les librairies. De quoi trouver son bonheur.
Jusque tard dans la nuit 