Quand les femmes ECRIVENT le monde

Juliette Ponce, ancienne directrice éditoriale de littérature étrangère chez Buchet/Chastel vient de fonder sa maison d’édition, baptisée Dalva, consacrée exclusivement à des textes écrits par des femmes. Un choix assumé de mettre en lumière la parole féminine et le regard que portent les femmes sur le monde.

Juliette Ponce n’a rien contre les hommes, ni contre les textes écrits par des hommes. Elle n’est pas une femme en colère, ni une féministe militante. Ce qu’elle veut, affirme-t-elle dans un entretien accordé à France Inter, c’est « faire un pas de côté » en publiant des textes écrits par des femmes. Non parce qu’il existe une écriture féminine par essence, par opposition à une écriture masculine, mais parce qu’elle considère que l’écriture des femmes porte un regard différent sur le monde, et qu’il est intéressant d’en faire l’écho.

Mettre en valeur la création littéraire féminine

L’absence de textes de femmes est criant dans l’édition française, déplore Juliette Ponce, et seulement 35% des livres publiés sont écrits par elles. À titre d’exemple, elle évoque un genre littéraire très apprécié en France, les récits de nature writing, la plupart du temps écrits par des hommes mettant en scène des personnages masculins, en proie à un monde sauvage et viril. Lorsqu’elle vivait à Londres, l’éditrice a découvert des textes de nature writing de très grande qualité où les personnages entretenaient un rapport différent avec la nature, plus charnel, plus proche du végétal et de l’animal. Le ton était singulier, ils étaient écrits par des femmes.

Les éditions Dalva font de la discrimination positive en ne publiant que des femmes. Tout comme certaines maisons d’édition ne publient que de la littérature étrangère, parfois même ciblée sur un continent en particulier, et à qui personne ne reproche quoi que ce soit. L’ambition de Dalva n’est pas de dire qu’il ne faut plus publier d’hommes, mais de contribuer à rétablir plus d’égalité. L’inégalité est telle qu’on ne peut pas dire que le choix de ne publier que des femmes est exagéré.

Juliette Ponce, Madame Figaro, 03/06/2021

Ainsi nommées en hommage à l’héroïne libre et sensuelle de Jim Harrison, les éditions Dalva publieront peu de livres, 10 par an, en réaction à la surproduction éditoriale, mais aussi par volonté d’accompagner le mieux possible chaque livre auprès des libraires, de la presse et des lecteurs. En plus du point de vue féminin qu’ils offrent sur la société et le monde, les textes édités par Dalva seront choisis non pour leur militantisme, mais pour leur qualité et leur singularité. « Je suis convaincue qu’en France on pourrait mettre en lumière ce que les femmes ont à dire, de manière joyeuse et positive. » (Juliette Ponce, Livre Hebdo, 01/03/2021)

Premières publications et rentrée littéraire

Les deux romans qui ont marqué le lancement des éditions Dalva au mois de mai dernier sont un premier roman de l’Australienne Erin Hortle, L’Octopus et moi, récit d’une rencontre entre une pieuvre et une femme en reconstruction, et Trinity, Trinity, Trinity, une uchronie sur fond de radioactivité de la Japonaise Erika Tobayashi.

En attendant Atmosphère de Jenny Ofill qui sortira pour la rentrée littéraire. Cette chronique fantasque de nos vies urbaines interroge avec humour le sens des vies que nous menons.

Les éditions Dalva nous promettent de voir le monde autrement. Une maison à suivre.