Dans cette biographie romancée, Thomas Giraud raconte la vie de Jackson C. Frank, auteur compositeur interprète américain révélé par un album prometteur, Blues Run the Game (1965), puis effacé de la mémoire collective. Un hommage poétique et musical.
La vie de Jackson aurait pu se terminer l’année de ses onze ans. Le matin du 31 mars 1954, dans la petite ville de Cheektowaga (New York) où il vit, sa salle de classe est la proie des flammes, suite à l’explosion accidentelle d’une chaudière. Quinze personnes meurent et parmi eux Donald, son meilleur ami. Jackson en échappe de justesse mais son visage et son torse sont gravement brûlés.

Pendant son séjour à l’hôpital, il reçoit une vieille guitare de son oncle. C’est le début de sa carrière de musicien, le début de cette « ballade » musicale à tonalité tragique qu’est sa vie. D’abord le succès avec Elvis, Paul Simon, l’exil à Londres, les belles voitures, puis l’errance et la rue. Ainsi se déploie cette « folk ballad » dont Jackson est le héros, une de ces vies qu’auraient pu chanter Johnny Cash ou Bob Dylan.
« Jackson avait dit en 1960 après avoir vu Dylan sur scène, pourtant médusé par tant de talent, je pourrais faire aussi bien, je ferai mieux.
C’est raté. Il est en retard. Il a 22 ans en 1965. À 22 ans, Dylan avait déjà au moins 30 ans. »
Il a manqué à Jackson ce brin de chance, cette opportunité saisie, ce rendez-vous avec la gloire. Une histoire de tempo, de temporalité peut-être. Il aurait pu avoir une carrière, car il avait du talent, mais l’inspiration s’était envolée et le public le boudait. Il a fini dans la plus grande misère.
En racontant l’histoire de Jackson C. Frank, Thomas Giraud ressuscite sa voix et nous invite à redécouvrir sa musique. Son phrasé se déploie par petites touches, musical et fluide. Récit du narrateur et paroles des personnages s’entremêlent et se répondent pour donner une unité à l’ensemble, comme dans une partition musicale. Un bel hommage à poursuivre en écoutant Blues Run the Game.
La ballade silencieuse de Jackson C. Frank
Thomas Giraud
Editions La Contre allée, 2018, 176 pages.