ILLUSIONS PERDUES : Une comédie humaine très contemporaine

Avec l’adaptation au cinéma des Illusions perdues, Xavier Giannoli donne des résonances contemporaines au roman de Balzac paru au milieu du 19ème siècle. Un film au souffle romanesque, rythmé et impeccablement interprété.

Illusions perdues est un condensé de la Comédie humaine. Publié en trois parties entre 1837 et 1845, la mode est alors au feuilleton, il est inspiré de l’expérience personnelle de Balzac qui débuta comme journaliste et connaît donc bien les rouages de la presse et le monde littéraire parisien.

Lucien de Rubempré, né Chardon, est un jeune poète, orphelin, qui travaille dans l’imprimerie de son beau-frère à Angoulême. La publication d’un recueil de poèmes le fait connaître et aimer de la baronne Louise de Bargeton. Mais lorsque son mari découvre leur liaison, pour éviter un scandale à Angoulême, elle part à Paris. Imprudence majeure : elle emmène son jeune amant dans ses bagages. Sous la pression de ses pairs, elle s’en sépare quelque temps après son arrivé à Paris. Alors, livré à lui-même et désargenté, Lucien trouve un emploi dans un journal critique et satirique. La critique littéraire d’alors s’achète chère et se vend au plus offrant. Lucien découvre la loi du profit, la corruption, les faux-semblants.

Du roman de Balzac, Xavier Giannoli a retenu surtout la période parisienne de Lucien. La première partie, Les deux poètes, centrée sur la rencontre de Lucien et de son beau-frère David et sur la vie à Angoulème est abordée brièvement. La dernière qui voit la faillite de l’imprimerie familiale n’est pas portée à l’écran. Si Xavier Giannoli a supprimé des personnages et plusieurs intrigues, il a conservé les descriptions corrosives du milieu de la presse et de l’édition. L’affairisme des propriétaires de titres de presse et des journalistes est très bien rendu. Dans ce petit monde, chacun défend ses intérêts. Les alliances se font et se défont au rythme des peurs des uns et des pouvoirs des autres. Une scène truculente avec Lousteau, joué par l’excellent Vincent Lacoste, et de Rubempré, superbement interprété par un Benjamin Voisin mélancolique et romantique, déconstruit la critique avec cynisme. La question de l’ascension sociale et de ses obstacles est centrale, elle aussi. Lucien perdra toutes ses illusions.

Le ton est résolument contemporain. Le parallèle avec le monde d’aujourd’hui est fait plusieurs fois, de manière plus ou moins subtile. Avec la Comédie humaine, Balzac voulait faire « une histoire naturelle de la société », une fresque du réel. Xavier Giannoli réussit à nous plonger dans cette époque qui voit éclore la marchandisation de tout et à nous signifier son caractère toujours actuel.

Si les descriptions fastidieuses de Balzac vous ont un jour échaudé, allez voir le film Illusions perdues sans hésiter. C’est du grand cinéma romanesque.

Note : 5 sur 5.

Illusions perdues
De Xavier Giannoli
Avec Benjamin Voisin, Vincent Lacoste, Cécile de France
Gaumont