Film : Tropique de la violence (ou la réalité sociale à Mayotte)

Adapté du roman éponyme de Nathacha Appanah, le film Tropique de la violence est sorti en salle en mars. Une plongée ultra-réaliste au cœur d’un bidonville de Mayotte. Un coup de poing qui manque de force.

Dans son roman Tropique de la violence Nathacha Appanah racontait la difficile vie des migrants et de toute une jeunesse mahoraise livrée à elle-même. Réquisitoire contre la misère, la violence et l’injustice, il s’attachait à plusieurs personnages en croisant leur destin dans un récit polyphonique. Plébiscité et primé, le roman a fait l’objet d’adaptations au théâtre et en bande dessinée. Il est aujourd’hui porté à l’écran par le réalisateur Manuel Schapira qui cosigne le scénario avec Delphine de Vigan.

L’histoire. Moïse est orphelin. Sa mère comorienne l’a abandonné juste après leur arrivée sur l’île de Mayotte alors qu’il n’est encore qu’un bébé. Ses yeux vairons l’inquiètent en ce qu’ils sont supposés porter malheur selon une croyance populaire. Il est alors recueilli par une infirmière qui assure son éducation jusqu’à ce jour où elle meurt d’un infarctus. Moïse a treize ans. Il se retrouve seul. Perdu, il est rattrapé par un gang. C’est le début de la descente aux enfers.

Entre fiction et documentaire

Le film Tropique de la violence donne dans la veine ultra-réaliste. Il montre des images dures qu’on ne penserait pas voir à Mayotte. Mais, au fond, que sait-on de Mayotte ? On voudrait voir cette île comme un paradis. Or si le 101ème département de France a tout pour faire rêver- le soleil, la végétation tropicale luxuriante et les eaux bleu turquoise -, il est aussi le plus pauvre et le plus violent de France. Mayotte est un territoire laissé pour compte où vivre est pour beaucoup une lutte quotidienne. Le film montre avec des images crues, très dures, les ravages de la drogue, la misère. « La réalité a imprégné la fiction, reconnaît Delphine de Vigan. Mais le film rend compte de la dimension romanesque. »

Un film tourné à Mayotte

Manuel Schapira a tourné à Mayotte, là où les réalisateurs évitent d’aller en règle générale, pour assurer l’authenticité du film. Il a également fait jouer de jeunes acteurs non professionnels recrutés sur l’île spécifiquement pour le tournage. « Je pensais que le plus difficile, ce serait les bandes, car les gamins ont des accès de violence. Mais il y a chez eux une envie de se projeter. Ils ont accepté. Ils ont besoin de jouer. Gourmand [un jeune acteur mahorais, ndlr] a accepté parce qu’il voulait apprendre à lire » (Manuel Schapira dans C la suite sur France 5). À bien des égards, la réalisation de ce film a été une aventure humaine.

Rares sont les livres et encore plus les films sur Mayotte. En cela, Tropique de la violence est précieux. Si le film hésite entre documentaire et fiction, il est autant un drame qu’un film politique. La tension est forte de même que le propos sur le désespoir d’une population. Malheureusement, le film ne convainc pas. On aurait aimé que l’écriture des personnages soit plus fouillée pour dépasser la caricature et que le scénario ait plus relief.