Nouveau dans la sphère des prix littéraires, le Prix Grand Continent se fixe pour objectif de valoriser un grand roman européen chaque année. Remis en décembre à 3466 m d’altitude dans le cadre grandiose du massif du Mont-Blanc, ce prix accorde aussi une dotation importante à la traduction, couramment considérée comme « la langue de l’Europe ».
Il y a un peu plus d’un mois, le Prix Grand Continent a été attribué au roman Les noces de Cadmos et Harmonie de Roberto Calasso paru chez Gallimard une dizaine d’années plus tôt. Un hommage à l’écrivain, critique et fondateur de la maison d’édition Adelphi décédé en 2021. Figure tutélaire incarnant l’esprit du prix, Roberto Calasso est l’auteur d’une œuvre magistrale qu’il qualifie lui-même d’ « unique et sans nom » et l’inventeur du concept de littérature absolue. Parlant huit langues, sa contribution à la culture européenne s’étend à son travail d’éditeur où, dès les années 70, il publie de nombreux ouvrages dans des traductions de grande qualité.
Des œuvres majeures ont régulièrement traversé les frontières et touché les lecteurs européens, comme Ulysse de James Joyce ou À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Donner une chance à des œuvres de fiction, leur permettre de toucher un public européen par leur qualité littéraire et les traduire directement depuis leur langue originale, tel est le défi du Prix littéraire Grand Continent. Émanation de la revue Grand Continent créée en 2019 et qui fait aujourd’hui référence en matière de débat stratégique, politique et intellectuel à l’échelle continentale, il entend contribuer « à l’émergence de nouveaux récits européens structurants et fondateurs. »
Un jury européen

Le jury, qui a la particularité de représenter à part égale les cinq langues du prix, est composé de personnalités reconnues du monde de la littérature comme les Espagnols Javier Cercas et Rosa Montero, l’Allemande Nora Bossong, la Polonaise Agata Tuszynska, et d’auteurs plus jeunes comme Giuliano da Empoli, qui dirige le think tank Volta, Andrea Marcolongo, essayiste spécialiste de la langue et de la littérature de la Grèce antique et Géraldine Schwartz, journaliste franco-allemande.
Chacun a pour mission de repérer un ouvrage susceptible d’être lu à l’échelle continentale, avant même qu’il soit traduit. Le jury délibère donc sur la base d’un dossier constitué de la traduction d’une série d’extraits de l’ouvrage et d’un argumentaire critique. L’annonce du lauréat du prix 2022 est attendue pour la fin de l’année. Il « récompensera une oeuvre récente, cette fois, publiée entre la fin de l’année 2021 et 2022 » annonce Mathieu Roger-Lacan.
Une dotation importante à la traduction
En reconnaissant vingt-quatre langues officielles, l’Europe ne simplifie pas la communication, rendant par là-même la traduction indispensable. « Face à l’hyperpuissance du marché éditorial de l’anglosphère, nous croyons que la traduction doit demeurer la langue de l’Europe », affirme les fondateurs du prix. La dotation du prix, valorisée à hauteur de 100 000 €, finance les traductions dans et depuis les cinq principales langues littéraires européennes que sont le français, l’allemand, l’italien, l’espagnol et le polonais, et accompagne la promotion du livre primé dans ces cinq aires linguistiques.
Le Mont-Blanc est un pivot des cultures qui l’ont façonné, un lieu de visibilité des ruptures et des avancées qui l’ont produit.
Un prix remis sur le toit de l’Europe
La remise du prix à la Pointe Helbronner – située à 3466 mètres d’altitude- au cœur du massif du Mont-Blanc, se veut symbolique. « En renversant les habitudes qui font que les prix littéraires sont normalement organisés en Europe dans les salons ou dans les cafés des grandes villes, nous pensons que la création d’un prix littéraire au sommet du Mont Blanc peut permettre les conditions d’un renouvellement. »
Élément central de l’imaginaire européen, le Mont-Blanc est un carrefour géographique et linguistique, autant qu’un lieu d’observation privilégié du changement climatique. Un espace grandiose en résonance avec les grandes transformations de notre époque, dont la littérature et le Prix Grand Continent veulent se faire l’écho.