ESSENTIEL ! Le festival des littératures du monde aura bien lieu

La 18ème édition du festival des littératures du monde organisée par l’association Lettres du Monde aura lieu du 19 au 28 novembre prochains.  Des rencontres avec des auteurs sont programmées dans les librairies et médiathèques de la Nouvelle-Aquitaine. Sa directrice, Cécile Quintin, nous présente cette édition.

Après son annulation en 2020 pour les raisons sanitaires que l’on connaît, le festival des littératures du monde revient. Essentiel ! Car si on a lu pendant cette année particulière ponctuée de confinements, se rassembler a été plus complexe. Le temps des retrouvailles des auteurs et des lecteurs est venu. Pour Martine Laval, conseillère littéraire, « les écrivains invités nous racontent des histoires d’ailleurs ou d’ici, des histoires qui nous ressemblent ou pas, mais qui toutes, ont le pouvoir de nous rassembler ».

Comme chaque année, le programme est dense et les rencontres uniques. Seize auteurs, dont Nancy Huston, Milena Agus, Jean d’Amérique, Rachid Benzine, Kim Thuy ou Rosa Montero, vont se répartir pas moins de cinquante-six rencontres dans une trentaine de villes de la région.

La vocation première du festival étant d’accueillir des auteurs étrangers, quel impact a eu a la crise sanitaire sur cette édition ?

Nancy Huston (c) Robbie Lee

La situation sanitaire actuelle nous a légèrement impactés dans le choix des invitations des auteurs. Nous avons décidé avec Martine Laval, la conseillère littéraire, de ne pas inviter d’auteurs américains car la situation nous paraissait encore peu stable pour faire venir des écrivains des États-Unis. Nous avons des auteurs qui viennent d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne mais avons pris quand même le risque d’inviter des auteurs venus hors de l’Europe (Islande, Liban, Québec). Cette année, un grand nombre d’auteurs vivent en France, ce qui nous « assure » qu’ils pourront bien être présents au festival. 

En plus des rencontres avec les auteurs, prévoyez-vous d’autres animations ?

Nous avons cette année décidé de programmer une lecture musicale avec Nancy Huston et un musicien, Quentin Sirjacq [NDLR : la rencontre aura lieu le vendredi 26 novembre à la Station Ausone – Librairie Mollat à 18h30]. C’est une proposition qui nous a été faite par Nancy Huston elle-même. Elle pratique cet exercice car elle apprécie de lire ses propres textes et a l’habitude de travailler avec ce musicien. L’association a déjà eu l’occasion de programmer des lectures en musique. C’est donc avec plaisir que nous avons accepté cette proposition dans notre programmation.

Vous organisez une journée professionnelle consacrée à la traduction. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Même si l’association ne programme pas de manière récurrente chaque année une journée professionnelle, nous avions décidé pour l’édition précédente (qui a dû être annulée à cause de la crise sanitaire) d’organiser une journée professionnelle autour du thème de la traduction des langues rares ou dites minoritaires. Nous avons donc décidé de reprogrammer cette journée qui nous donne l’occasion d’inviter des traductrices et de traducteurs pour nous parler de leur métier, et de la difficulté (ou non) de traduire des textes littéraires de langues rares. De comprendre comment se fait le choix et le cheminement de ces textes dans leur traduction et leur diffusion dans le monde de l’édition qui privilégie les textes de langue anglaise et américaine et quelques autres langues comme l’espagnol ou l’italien.

Le programme est disponible sur le site de l’association Lettres du Monde.

Lire en Poche 2021 : le retour au grand format

Après avoir été décliné en petit format pour cause sanitaire en 2020, le salon des livres de poche revient dans un format traditionnel, avec les contraintes sanitaires qui s’imposent. Présentation de cette 17ème édition qui se tiendra les 8, 9 et 10 octobre prochains par Lionel Destremau, Commissaire général du salon Lire en Poche.

Lire en Poche est le salon du livre girondin traditionnellement consacré aux livres de poche. Annulé en 2020 à cause de la crise sanitaire, ses organisateurs ont, malgré les incertitudes du moment, osé mettre sur pied l’édition 2021. Même s’il y a cette année moins d’étrangers dont les déplacements aériens sont encore difficiles, les auteurs ont répondu présents. Entre gestes barrière et pass sanitaire, Lire en Poche aura bien lieu les 8, 9 et 10 octobre prochains au Parc de Mandavit de Gradignan.

Quel impact a eu la crise sanitaire sur l’organisation de cette édition ?

Lionel Destremau. La crise sanitaire a eu plusieurs effets sur Lire en Poche. Le premier est de nous avoir volé du temps de préparation. En 2020, nous étions dans la réactivité et l’urgence. Il fallait réinviter le salon selon des conditions sanitaires très strictes et complexes. Et nous avions prévu une édition en conséquence qui malheureusement n’a pas pu voir le jour puisqu’à peine 1 mois avant la date du salon des réductions de jauge finissaient par imposer l’impossibilité de mettre en œuvre tout ce qui avait été planifié.

Pour cette année ce fut différent, nous n’étions plus dans la réactivité mais dans la projection… Or, nous n’avions aucune idée de la façon de nous projeter, des conditions qui seraient en cours en octobre 2021. Habituellement, nous démarrons très rapidement, presque dès la fin d’une édition, la préparation de la suivante, en essayant de poser les premiers jalons, de lancer les invitations les plus importantes le plus tôt possible. Là, à l’automne et l’hiver 2020, nous avons dû d’abord envisager tous les scénarios possibles pour l’automne suivant, avec ou sans jauge , avec ou sans distanciation, avec ou sans pass sanitaire, etc. Il ne nous est pas venu à l’esprit que le covid aurait disparu comme par enchantement !

Cette édition 2021 est volontairement tournée vers l’idéal de ressembler à une édition normale, dans ces grandes lignes, tout en tenant compte de conditions qui elles ne sont toujours pas normales

Parce que chaque choix a des impacts directs sur tout le reste, la programmation par le nombre d’invités envisageables, les espaces de rencontres, de stands de libraires et donc d’accueil du public, etc. Nous avons donc temporisé autant que possible avant d’arrêter un choix quant à la formule choisie, en essayant de mesurer le risque de devoir tout annuler, ou en partie seulement, en cas de reprise épidémique forte par exemple. En outre, les maisons d’édition elles-mêmes étaient dans l’expectative tant elles avaient pris la triste habitude de voir les événements être annulés après des mois de préparation.

Affiche du salon du livre Lire en Poche, édition 2021

Nous avons aussi dû faire des choix budgétaires pour, par exemple, envisager une nouvelle entrée au salon afin de tenir compte du contrôle des pass sanitaires. Nous avons par exemple appris aujourd’hui que les tests ne seraient plus remboursés qu’à partir du 15 octobre. Il a été question de début octobre un temps, ce qui n’aurait peut-être pas eu le même impact sur la fréquentation du salon par exemple.

Nous ne savons pas, évidemment, si les choix décidés seront justes au final. Nous n’avons aucune idée de ce que sera la fréquentation en cette année de reprise et avec un pass sanitaire imposé à tous.

Parmi les autres effets collatéraux, nous avons fait les frais de situations sanitaires différentes d’un pays à un autre, avec des contraintes de voyage qui ont conduit à l’annulation d’une partie des invités étrangers, les anglo-saxons en particulier, deux auteurs venant d’Algérie aussi. Il y a eu aussi d’autres effets dominos. Par exemple, un auteur qui n’a pu suivre une opération en 2020, reportée sine die, et qui apprend il y a quelques jours qu’elle aura lieu le vendredi du salon… et qu’elle n’est pas déplaçable. Ou encore les compagnies aériennes qui suppriment des vols sans option de remplacement au détriment d’invités qui ne peuvent plus venir. Tous ces changements dus au covid sont impossibles à anticiper et impactent directement la programmation. Nous avons dû aussi nous adapter sur des protocoles sanitaires pour les repas par exemple, envisager un peu plus de personnel pour gérer les files d’attente de dédicaces et faire respecter autant que possible les gestes barrière.

La thématique de cette année engage à la découverte, à éveiller à la poésie, à l’art de la nouvelle, aux variations romanesques multiples. Pour le reste, c’est affaire de goût, de curiosité littéraire, de plaisir de lecture. Il y en a pour toutes et tous, dans tous les genres littéraires.

Quels en sont les temps forts ?

Jean Teulé, crédit photo Pascal Ito / Flammarion
Jean Teulé (photo : Pascal Ito / Flammarion), parrain de l’édition 2021

Il y a toujours une certaine attente autour du parrain ou de la marraine chaque année, puisque l’auteur choisi a un rôle à part dans la programmation, donne une certaine couleur au salon par sa présence, ses invités ou la représentation de son œuvre, donc il faudra suivre Jean Teulé, ses invités Lionel Duroy et Guillaume Meurice, la lecture-rencontre autour de Baudelaire avec Dominique Pinon notamment. Nul doute aussi que le concert slam et poésie de Souleymane Diamanka en clôture sera un des temps forts de cette année.

En jeunesse, la présence de plumes très variées, que ce soit Jean-Claude Mourlevat, Maire-Aude Murail, Christian Heinrich ou Thierry Courtin pour les tous petits devraient ravir les familles et leurs enfants de tous âges. Et puis il y a quelques auteurs qui viennent pour la première fois, dans des registres différents, comme Alain Mabanckou ou Yasmina Khadra par exemple.

Au visiteur d’aller piocher dans le programme ce dont il a envie ou au contraire de se laisser surprendre par des auteurs invités dont il découvrira les œuvres.

Quelles nouveautés proposez-vous cette année ?

Nous avons étendu la formule Petit-déjeuner littéraire qui fait se rencontrer un auteur avec une dizaine de lecteurs et lectrices sur inscription, en créant deux nouveaux rendez-vous autour d’un café/thé en milieu d’après-midi. Outre la reconduction de la Grande dictée (qui a eu beaucoup de succès en 2019 et en 2020) avec Philippe Jaenada, il y aura une animation autour d’un exercice d’écriture ludique, le cadavre exquis, animé par le romancier François Médéline.

François Médéline (photo : X. Hacquard & V. Loison)
François Médéline (photo : X. Hacquard & V. Loison) animera un atelier autour du cadavre exquis le 10 octobre à Lire en Poche

La librairie Mollat a proposé de produire des captations vidéo de toutes les rencontres qui ont lieu dans la grande salle du théâtre des quatre saisons et qui seront retransmises en direct, mais aussi consultables en différés après le salon. Cela permet à la fois de revoir une rencontre qu’on a raté parce qu’on a, au même moment, assisté à un autre débat, mais aussi de participer à une partie du salon à distance si on n’a pas pu se déplacer.

Pour mettre en valeur le Prix de littérature traduite, nous avons programmé une joute de traduction qui réunira deux traducteurs/trices autour d’un texte et confrontera leur travail respectif en invitant le public à participer. Dans le courant de l’année, nous avons aussi mis en place une animation autour de la correspondance avec « Une lettre pour vous », qui verra des comédiens-facteurs remettre à un visiteur une lettre écrite par une personne réelle, qui l’a faite parvenir au salon, et qui, peut-être, incitera à la rédaction d’une autre lettre. Et puis il y aura bien sûr de nombreuses animations jeunesse, avec des expositions, des ateliers d’écriture, d’illustration, des lectures et des jeux qui se renouvellent chaque année.

Le programme du salon est disponible sur le site de Lire en Poche.


William Melvin Kelley : le géant oublié de la littérature américaine

Redécouvert par la journaliste Kathryn Schulz qui lui a consacré un article en janvier 2018 dans le New Yorker, l’écrivain américain William Melvin Kelley est aujourd’hui une référence pour de nombreux écrivains, tour à tour comparé à William Faulkner et James Baldwin. Toute son oeuvre est disponible aux éditions La Croisée.

William Melvin Kelley est né à New York en 1937 et a grandi dans le Bronx. Il étudie à Harvard, publie son premier roman Un autre tambour et se marie à l’âge de 24 ans. En 1964 sort son unique recueil de nouvelles, Danseurs sur le rivage et un autre roman, Jazz à l’âme. En 1966, il couvre le procès des assassins de Malcolm X pour le Saturday Evening Post. Ensuite, il part à Paris enseigner la littérature américaine à l’université et y écrit son roman Dem, en 1967. Après les assassinats de Martin Luther King et de Robert Fitzgerald Kennedy, il part en Jamaïque avec sa famille jusqu’à la fin des années 70, puis rentre aux États-Unis. En 1988, il écrit et produit Escavating Harlem in 2290, un film expérimental sur le quartier de Harlem. Il meurt en 2017 à New York.

Remarqué pour son style acerbe et sa lucidité, William Melvin Kelley évoque dans toute son oeuvre les problèmes sociaux de son époque : la ségrégation, le racisme et la lutte pour les droits civiques. Dans un texte publié dans le New York Times en mai 1962, il invente un nouveau concept politique, la notion de « woke » empruntée à l’argot afro-américain, qui signifie rester éveillé, repérer et comprendre les différentes formes d’injustice, de discrimination et d’inégalité. Ce terme a connu un regain de popularité à la mort de George Floyd, devenant un symbole du militantisme, le #staywoke, du mouvement Black Lives Matter.

Permettez-moi de déclarer aujourd’hui que je ne suis ni un sociologue, ni un homme politique, ni un porte-parole. À eux de tenter d’apporter des réponses. Un écrivain, selon moi, devrait poser des questions. Son rôle est de décrire des hommes, pas des symboles ni des idées déguisés en hommes.
Je suis Noir américain. J’espère être un écrivain, mais peut-être n’est-ce pas à moi d’en juger.

William Melvin Kelley, Préface à Danseurs sur le rivage

Après avoir publié les deux romans Un autre tambour (2019) et Jazz à l’âme (2020), les éditions La Croisée ont sorti en septembre deux nouveaux livres de William Melvin Kelley : son roman Dem (1967) et son recueil de nouvelles Danseurs sur le rivage (1964).

Danseurs sur le rivage

Danseurs sur le rivage de William Melvin K

Unique recueil de nouvelles de William Melvin Kelley, Danseurs sur le rivage dresse le portrait de familles noires américaines, dans les années 60. Certaines familles et personnages se retrouvent dans plusieurs nouvelles, particularité qui permet à l’auteur de tisser des liens entre les récits et de proposer une véritable fresque sociale et familiale, sous différents points de vue, à différents âges de la vie. D’une étonnante modernité, ce recueil explore les thématiques chères à l’auteur, comme le racisme, le poids des conventions sociales, les préjugés entre communautés, les rapports entre les hommes et les femmes. La lecture de ces nouvelles présente une bonne introduction à l’univers romanesque de cet écrivain.

Note : 2.5 sur 5.

Danseurs sur le rivage
Wiliam Melvin Kelley
Michelle Herpe-Voslinsky (traduction)
Editions La Croisée, 2021, 240 pages.

Dem

Mitchell Pierce a les apparences d’un homme qui a réussi, selon les critères de la société des années soixante. Il est un cadre respecté d’une agence de publicité new-yorkaise, est marié et a un enfant. La vie semble avoir réussi à ce trentenaire. Mais rapidement, le rêve se transforme en cauchemar. Il découvre que son collègue, qui ne supporte plus cette vie « métro-boulot-dodo » a assassiné sa famille; que son mariage se délite doucement mais sûrement jusqu’à ce que sa femme donne naissance à des jumeaux : un Blanc et un Noir. Même si l’histoire est taillée à la hache, ce portrait satirique d’un Blanc par un Afro-américain est intéressant en ce qu’il montre toute l’hypocrisie dont est capable de faire preuve un homme pour sauvegarder les apparences. William Melvin Kelley décrit avec une ironie mordante la peur infondée qu’a Mitchell des Noirs. Pour Pierre-Yves Pétillon, « Dem est une fable à l’intention de la bourgeoisie noire qui rêve de vivre comme les Blancs. Laissez-moi vous montrer, dit Kelley, comment ces gens (dem folks) vivent.« 

Note : 2.5 sur 5.

Dem
William Melvin Kelley
Michelle Herpe-Voslinsky (traduction)
Editions La Croisée, 2021, 240 pages.